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Betdenrire

Printemps 67

22 Janvier 2010, 19:46pm

Publié par Philippe Lepers

           Printemps 1967.

 

Je suis en seconde au lycée technique de Cachan.

Mes notes ne sont pas exceptionnelles, disons passables pour ne pas effaroucher le lecteur.

En anglais, je m’efforce de venger Jeanne d’Arc en ridiculisant l’ennemi par une totale ignorance de la langue de Shakespeare.

En Physique, un peu de mal à suivre le concept mais la prof a des jambes tellement longues mises en valeur par une minijupe si courte que j’en avale les formules comme le loup de Tex Avery.

En Chimie, c’est la même prof toujours aussi jolie. Les formules me tannent mais les expériences m’inspirent, au point, par deux fois, d’être à la limite de faire sauter le labo.

Je bricole parfois à la maison diverses substances destinées à égailler les heures de permanence.

Ma curiosité couvre ainsi une grande étendue qui va de la fabrication des pétards, fusées et feux de Bengale à la poudre attire-chat. En vente dans les magazins de farces et attrapes, s'était plus marrant d'essayer de la fabriquer nous même, ayant trouvé la formule dans un vieux bouquin d'apothicaire destiné au pilon. Cette dernière préparation eut un tel succès que cela mérite un instant d’être conté.

J’avais réussi, aidé de la prof et de ses compétences qui voyait là un excellent moyen de fixer notre attention tout en nous divertissant, à distiller et isoler de la pyryl-methylcétone des rhizomes de Valériane ainsi que de la népétalactone de la racine de Cataire, toutes les deux, plantes de la famille des Apiacés bien connu des herboristes du 14eme. L’arrondissement pas le siècle. A l’aide de l’alambique en distillation par entraînement à la vapeur d’eau et un séparateur florentin, les huiles essentielles obtenues, placées dans un vaporisateur, permirent de faire une blague savoureuse à un prof d’étude de fabrication qui notait à la vache et était allergique aux chats.

Le distillat vaporisé sur des vêtements à la particularité d’être un puissant attractif. D’ailleurs on surnomme la Cataire l’herbe à chats.

1967, l’année hippy par excellence, avec le pape et martyr du mouvement psychédélique Timothy Leary,

fut d’ailleurs le point culminant de l’utilisation du LSD.

Et bien, notre mixture attire chat présentait les mêmes effets sur les félins.

Ersatz de phéromones sexuelles ou drogue hallucinogène, on l’ignorait. Toujours est-il que le soir ou il reprit sa veste copieusement parfumée, il fut suivit par une meute hurlante et miaulante jusqu'à la gare de Bagneux. Une trentaine de matous escortaient le malheureux en se frottant à son pantalon

ou s’agrippant à sa veste ! Avec de l’urine sur les pompes et les jambes de pantalons passablement mises en lambeaux, le malheureux n’eut de planche de salut qu’arrivé devant la gare ou des élèves se mirent à balancer de grands coups de lattes dans la bande en folie pour tenter de le libérer. Le patron du café « La Résidence » ou nous avions notre état-major s’était fendu, dans un sursaut humanitaire, d’un seau d’eau glacé qui avait éclaboussé à part égales la victime et ses agresseurs.

Le lendemain, en salle de profs, à l’écoute des événements, la prof de chimie, qui au début allait tout dévoiler à ses confrères en expliquant qu’elle avait aidé un élève à réaliser une farce innocente, se garda bien d’ouvrir la bouche en voyant la tronche de son camarade. Une crise d’urticaire avec un pif rouge pompier lui ravageait le visage gonflé comme une pomme à cidre. Ce fut notre secret jalousement gardé pendant toute notre scolarité au LTC.

Il est à remarquer que pour dix fois moins de ça bon nombre de profs auraient déclaré forfait et seraient resté au lit.

Pas notre bonhomme. Il avait des interros à nous rendre. Il avait sûrement comme devise : Instruire ou mourir !

En Français, le prof est super, frondeur et décalé par rapport à ses collègues, c’est un plaisir de philosopher avec lui. Mes notes s’en ressentent.

Deux ou trois fois premier, ce qui ne m’était guère arrivé depuis des lustres, je me sens sur la même longueur d’onde. Seul bémol, mon orthographe où l’étourderie et ma grammaire incertaine  font des ravages dans mes dissertations.

A l’époque si le prof voulait noter à la vache, il pouvait vous flanquer un zéro si vous dépassiez 5 fautes par page à petits carreaux.

Je trouvais la parade, je rendais la disserte sur une trentaine de feuilles avec…deux ou trois mots par ligne plus deux carreaux d’interlignes. Quitte à prendre une bulle autant y associer une pointe d’humour. Cela revenait chère en feuilles et comme toute blague de bonne facture, elle se doit de ne pas être répétitive. Cela m’obligea à être plus appliqué et traquer les fautes d’étourderies et de liaisons. Un drame pour un cancre !

Aujourd’hui, je ne suis pas guéri. J’en laisse passer pas mal. Mon entourage me propose de me corriger mais cela risquerait de tromper le lecteur en pensant que je suis un faux cancre, ce qui n’est pas admissible.

On a son honneur n’est-il pas ?

J’aime à penser que la journée type du potache ne varie guère selon les époques. A la nôtre, ce qui nous différenciait des bons élèves était le décalage horaire chronique entre les matières. Toujours en porte-à-faux d’un ou deux cours  pour cause de fainéantise, étourderie ou manque d’intérêt. Une journée se composait ainsi : Petit déjeuner sur le pouce avec débarbouillage succinct dû au manque de sommeil accumulé par une soirée TV suivie de lectures moins scolaires. Entendez par là, au mieux, « Les trois mousquetaires » d’Alexandre Dumas ; au pire, « Béru et San Antonio chez madame Claude » Ensuite course poursuite avec le temps pour ne pas rater le métro et la jolie demoiselle qui vous lance sur le quai des regards à court-circuiter les neurones d’un moine.

A la sortie de la gare, direction « La Résidence » avec prise du petit noir et écritures. Ben oui, les devoirs ne vont pas se faire tout seuls ! Avantage d’avoir de bons copains plus sérieux que vous qui vous refilent des tuyaux. Petite partie de flipper pour entretenir le doigté et le  - Bon sang, c’est déjà l’heure !- qui vous voit dévaler la zone pavillonnaire qui vous sépare du lycée.

En rang et en blouse blanche dans la cour, comme au CP, on attend le feu vert du surgé et de ses pions pour rentrer dans les salles. L’interdiction de fumer dans la cour ne tombera qu’en 68. En attendant gare à celui qui s’autorise devant l’autorité le port du clop au bec. C’était tout droit chez le dirlo ! J’avais la chance de ne pas fumer, ce qui me mettait à égalité avec les accros de l’herbe à Nicot. Le directeur me faisait venir pour me cuisiner au sujet de telle ou telle blague faite au corps enseignant ce qui, la plupart du temps, ne relevait pas de mon fait. Mais quant on a une réputation à tenir, il faut bien faire quelques petits sacrifices. Se laisser accuser d’une broutille faite par un tiers permet parfois d’avoir un excellent alibi pour cacher un méfait bien plus marrant qui s’est déroulé au même moment.

Ainsi, pour l’affaire de la 4CV, je fus lavé de tout soupçon. Nous avions fait une blague à un prof sympa qui dormait dans une chambre universitaire de l’ENSET dont les bâtiments se trouvaient près du terrain de sport. Notre victime avait sa chambre au 1er étage juste à droite de l’escalier central. L’escalier était très large, plus de 2m50. Le prof s’était vanté auprès de nous qu’il sortait ce soir là avec plein de potes et copines pour faire la fête à Paris jusqu’à plus soif. Il n’utiliserait pas sa voiture, c’est une fille qui le prenait à son bord, une superbe Triumph TR4 cabriolet. Comme ça il pourra picoler sans se soucier du retour.

Avec la complicité de plusieurs de ses camarades, des pions et des profs de première année, on décide de lui faire une blague. Nous avons attendu 19h30 qu’ils partent pour foncer au parking. Sa voiture est fermée à clé et on n’arrive pas à l’ouvrir avec la clé de secours  piquée par son colocataire. Evidemment le frein de parking est serré à mort. Il ne nous reste plus qu’à la soulever ! Les 30 mètres qui nous séparent du hall d’entrée sont avalés en deux temps trois mouvements. Faut dire qu’à une dizaine de porteurs on se gêne plus mutuellement par nos coudes que les 60 kg individuels à soulever. Au pied de l’escalier, ceux qui supportent l’arrière ne sont pas à la noce, c’est l’emplacement du moteur sur une 4cv. En moins de 5 minutes tout est réglé. La voiture bien garée dans le couloir juste face à sa chambre !

Le lendemain, branle-bas de combat. A peine arrivés au bahut, les commentaires vont bon train. La conversation est centrée sur la bagnole. Etonné que cette information soit déjà parmi les élèves qui attendent l’ouverture du bahut, on me répond que les flics sont dans l’enceinte de l’ENSET et qu’il y a déjà une enquête en cours. Le propriétaire de la bagnole a porté plainte pour vol !

Je n’y comprends plus rien. Le prof à qui on a fait la blague est un super déconneur. Ce n’est pas du tout le genre à appeler les flics. Qu’est-ce qu’il lui a pris ?

Sa copine l’aurait largué cette nuit ?

Je me perd en conjectures quand deux potes, arrivés plus tôt que moi, m’annoncent que l’on s’est trompé de voiture ! Un élève, le fils du gardien de l’immeuble où nous avions commis le méfait a vu se radiner à la loge la police à l’heure du laitier.

Des gens de l’immeuble d’en face auraient assisté à la scène de l’enlèvement de la 4 CV de Mr Tartempion, retraité de police ! Même couleur crème, bien proprette, Pas étonnant que la clé n’ouvrait pas.

Les témoins ont reconnu le plus grand nombre des kidnappeurs et il y avait même des élèves du Technique !

Inutile de dire que les flics se sont bien marrés et proposent même de revenir tous les jours pour ce genre de délit qui les changent des turpitudes habituelles recueillies au commissariat.

Tout se serait bien passé dans le meilleur des mondes si le surgé n’avait pas tiqué à l’annonce de la présence d’élèves du Technique dans cette farce « du plus mauvais goût. » Lui aussi avait une 4cv.

Evidemment ses soupçons se dirigèrent vers 3 camarades et moi à la célébrité montante dans la déconne. Il fallut pour contrer les témoignages à charge que je m’attribue à la même heure un Tag au mur du réfectoire ou il était représenté à poil pendu au gibet. La caricature n’était même pas ressemblante et d’ailleurs le dirlo lui avait même dit : - C’est pas sa patte, ça cache quelque chose ! –

Revenons à nos moutons ou plutôt à nos horaires décalés. Prenons le lundi. Une fois en classe pour le premier cours, techno de construction, à peine survolé au café, certains d’entre nous  se dépêchaient de réviser le cours suivant, histoire-géo où une interro dite surprise avait toujours lieu. Pendant cet interrogatoire gestapiste, portant évidemment sur un autre sujet que celui révisé, nous avions tout le temps de nous intéresser au cours suivant, la Descro, en espérant tomber pile cette fois sur le bon exercice. De temps en temps la chance nous souriait.

Le repas remettait les pendules à l’heure mais c’était sans compter sur notre dérive morphalique.

Il suffisait qu’il y ait du rab de frites et que l’un de nous ait réussit à piquer un litron à une table des profs

pour que les cours suivants soient léthargiques si ce n’est comateux à souhait.

L’après midi, c’était l’anglais et Marret notre prof savait déceler instinctivement celui qui avait le plus picolé. Comme il était aussi un de nos metteurs en scène au théâtre du lycée, il savait tirer à l’oral des sursauts mélodramatiques shakespeariens de l’infortuné poivrot. On se marrait tellement en anglais que l’on aurait pu monter des sketchs d’improvisation à succès. Il fallait voir et  entendre un copain interpréter, avec l’accent du Midi, un sonnet de Roméo à Juliette avec les joues survitaminées au gros rouge 14°. Si nous avions placé des agents doubles de cette trempe aux commandements des manœuvres des voiles de navires de l’amiral Nelson, le cours de la bataille de Trafalgar en eut été changé et le Français serait devenu la langue internationale.

Après l’Anglais, les Maths. Dur dur le lundi. On parvenait tout de même à finir la traduction de l’heure précédente couplée aux produits scalaires de l’heure présente. Un challenge de tous les instants.

Heureusement qu’il y avait ensuite gym pour relooker les filles du commercial avec qui nous partagions le gymnase. Là, nous vivions l’instant présent. Pas question de différer.


farces-et-mystifications-06-printemps-67-mini 

 

 

 

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