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Betdenrire

Home fuite home

4 Août 2010, 18:16pm

Publié par Philippe Lepers

Même sans le faire exprès, les blagues à base d’eau ont toujours un puissant effet hilarant, la preuve :

 

Dans les années 80, nous habitions une HLM. L’hiver, nous étions très mal chauffés.

Nos voisins de palier, des gens sympas, hébergeaient pour les vacances un frère tout droit arrivé du village sénégalais d’où était originaire leur famille.

Le couple travaillait et laissait souvent le « petit frère » (1m 90, 80 kg de muscle et une vingtaine d’années d’épanouissement en milieu naturel), devant cette fantastique boîte à images qu’était la TV.

L’œil rivé devant l’écran, bien assis sur le canapé, il engrangeait tout ce que notre société dite moderne pouvait lui proposer.

Y eut-il une émission du genre : « Tout savoir sur la plomberie et rester Zen », nul le sait mais les travaux pratiques qui en découlèrent ne laissèrent personne indifférent.

A rester immobile dans une pièce mal chauffée, tout le monde s’accorde à reconnaître qu’au bout d’un instant on a froid.

Soit on s’active, soit on enfile un pull, soit on monte le chauffage. Je précise bien : monter le chauffage. Une de ces expressions populaires dont les français raffolent. Un taureau monte bien une vache et nous les escaliers.

Tout à coup, provenant du palier, un cri :  Au secou ! Au secou ! A l’aide !

A peine la porte ouverte, je la refermais aussitôt. Je courus à la cuisine m’emparer de la serpillière, rouvris la porte, posais au sol ce barrage improvisé et enfin, profitais du spectacle.

Un torrent d’eau fumante inondait le palier et dévalait les escaliers en véritable Geyser. L’eau sortait à flot de

l’appartement contigu au nôtre d’où provenaient les hurlements : Au secou !  Au secou! 

A la fois intrigué et inquiet  je pénétrais bravement dans ce qu’il fallait bien appeler une pièce d’eau.

Le « petit frère » était là, accroupi devant le radiateur du salon, essayant vainement, à l’aide d’une énorme clé à

molette, de revisser le bouchon du radiateur, ce qui n’avait pour résultat que d’asperger encore plus les meubles, la TV, le canapé et… la tête du malheureux !

L’eau sortait très chaude malgré le peu de chaleur délivrée à cet étage, laissant  douter du bon fonctionnement de l’installation.

 « Ah, misieu, vite, au secou, aidez moi ! »

La pression était énorme et ne semblait pas faiblir. Inutile d’essayer la même manœuvre pour stopper la fuite. Il fallait fermer la vanne à la chaufferie. Apparemment un correcteur de pression automatique compensait en permanence la perte d’eau du circuit de chauffage.

« Mais qu’avez-vous fait là malheureux ! Cela ne se démonte jamais ! »

Au même instant, le concierge apparu, comme à l’accoutumé, cet à dire rouge pivoine ; le rouge pompier eut été plus de circonstance mais le brave homme n’appréciait que le blanc bien sec, ce qui influençait certainement sur la couleur de ses joues.

« Bah, c’est quoi qu’ ce bordel ! Qui c’est qui joue au con avec mes tuyaux ? On vient de me prévenir d’une fuite d’eau, mais là c’est plus une fuite, c’est les chutes du Niagara ! Donnez-moi çà malheureux vous allez vous blesser ! »

«  Euh, je crois justement que vous allez faire une… erreur… »  avançai-je  prudemment.

La sieste interrompue du brave concierge eût–elle une quelconque influence sur son manque de maestria ? Toujours est-il qu’aux mêmes remèdes, mêmes effets : La manœuvre provoqua son déséquilibre. Il s’étala de tout son long, lâchant la clé qui vint s’abattre sur un immense aquarium d’eau douce contenant un  nombre impressionnant de poissons amazoniens.  L’explosion de ce dernier provoqua  aussitôt la mise en eaux vives des pensionnaires.

La récréation de ces derniers, dévalant avec plaisir les onze étages les séparant de l’égout, fut suivit du brusque tarissement de la source. Quelqu’un avait enfin fermé la vanne.

Entre-temps, bien évidemment prévenu par de nombreux coups de fils, les pompiers arrivaient à l’étage, armés

d’une lance à incendie, prêts à faire feu, suivis de près par les occupants officiels de l’appartement dévasté qui rentraient du boulot.

Pendant que le lieutenant passait un savon au standard en hurlant dans le talkie-walkie que le préposé aux secours avait de la merde dans les oreilles et qu’on envoie rarement les pompiers éteindre une fuite, mes voisins,

horrifiés devant l’état de leur Home, « fuite Home », passaient un savon au roi du bricolage.

«  Mais tu moa di, si tu oa froid, émontes le chauffage ! » les seuls mots désarmants que je me suis surpris d’écouter. Préférant les laisser laver leurs boubous en famille, je descendis chez les voisins du dessous qui soupiraient devant le résultat du nettoyage vapeur de leur papier peint.

Les assurances ne firent guères de contestation et remboursèrent les nombreux sinistrés. Mais il y eu tout de même un blessé, le concierge. Sa chute fut sans conséquence mais, redescendu au rez-de-chaussée pour aider les pompiers à chasser l’eau et récupérer les poissons qui sautillaient dans la mare de l’entrée, son nez fut pris à parti par un Piranha. Le poisson, furieux sans doute que la partie de canoë-kayak s’achève aussi rapidement, n’apprécia pas qu’un énergumène au nez écarlate comme un steak de vache en vienne à certaines familiarités avec lui. Il le mordit au sang. Celui-là ne remonta certainement pas les onze étages dans le confort douillet d’une poche en plastique. Les pompiers s’étaient donnés la peine  d’en aménager une pour récolter ses acolytes. Qui sait, peut-être l’animal hante t’il encore les égouts parisiens à la recherche d’une appendice nasale d’égoutier ?

 

famille-04- piranha-mini 

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