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Betdenrire

Gentilly et l’expression « Aller au diable Vauvert ».

14 Septembre 2021, 18:49pm

Publié par Philippe Lepers

En premier lieu rien n’indique un quelconque rapport entre notre ville et cette expression imagée, et pourtant.

À l’origine, au début du XIe siècle, le Roi Robert le Pieux décide de s’installer hors de Paris pour se faire oublier et calmer le scandale qu’il a provoqué en se faisant excommunier par le pape Grégoire V. Après avoir largué sa bourgeoise, il a en effet épousé Berthe de Bourgogne, sa cousine au second degré et mère d’un premier lit. D’un autre côté, se nommer le Pieu…Bref, il se fait construire sa résidence à l’emplacement du jardin du Luxembourg actuel. Ce vallon planté de vignes est appelé Vauvert (Val vert) et est la propriété de la seigneurie de Gentilly depuis 878. À la mort du roi, le château est abandonné. Ses murs tombent en ruine et servent de refuge à une population de brigands et de mendiants ce qui fait de l’endroit une véritable cour des miracles. La bâtisse est vite reconnue par le bon peuple comme hantée ce que confortent les sorties de carrières alentours qui les jours de grands vents, tels de tuyaux d’orgue désaccordés, émettent des sons lugubres à souhait. Au XIIIe siècle la mauvaise réputation de la demeure est intacte et a même tendance à s’amplifier. On y entend les rumeurs d’un diable de couleur verte, avec une longue barbe et un trident, circulant dans le château parmi d’autres fantômes et bêtes diverses. À mon avis la culture du chanvre était très bien implantée dans le quartier. Louis IX, (Saint Louis) roi de l’époque et héritier des ruines, décide alors de céder pour une bouchée de pain cette maudite propriété  aux moines chartreux de Gentilly célèbres pour leur talent d’horticulture. (Les pépinières ont d’ailleurs été conservées jusqu'à nos jours, au sud des Jardins du Luxembourg.) Cependant, un bourgeois, Aloys Pierrafeu est particulièrement mécontent du sort du domaine. Étant voisin, il n’a pas hésité à s’accaparer une partie du jardin pour y installer un poulailler et un grand potager, les deux voués à disparaître si les moines venaient à s’installer. Il monte alors un plan machiavélique avec Thomas Gidouin, l’épicier du coin qu’il fait chanter. Aloys Pierrafeu demande au commerçant de se faire passer pour un fantôme dans la demeure abandonnée, en échange, il ne le dénoncera pas de truquer sa balance lors de ses transactions. L’épicier vole un drap à sa femme et s’exécute, vagabondant dans le château lanterne à la main. Ce qui avait pour but de faire fuir les religieux produit l’effet contraire. Une fois le quartier stupéfait par cette rumeur, le responsable du couvent de Gentilly tente de tirer cette affaire au clair. Tel un Don Camillo au meilleur de sa forme, il se cache dans le château attendant le passage du dit fantôme qu’il corrige aussitôt à grands coups de bâton. L’épicier démasqué prend ses jambes à son cou. Craignant la potence, le drap abandonné par le fuyard avait malheureusement ses initiales brodées dessus, il s’appuie sur la clémence du Roi ou plutôt l’humour du souverain qui trouve l’histoire particulièrement drôle. Eh oui, il ne faut pas écouter les mauvaises langues. Si Saint Louis rendait sa justice sous un chêne, ce n’est pas pour autant qu’il le faisait comme un gland.

Cette histoire mémorable est restée dans la mémoire collective des Parisiens puis des Français qui commencèrent, dès lors, à employer l’expression « Aller au diable Vauvert »   cet à dire : S'aventurer dans une dangereuse et longue expédition vers une contrée  lointaine. Aujourd’hui, l’expression purgée de son côté fantasmagorique signifie tout simplement : « Aller se faire voir !»

 

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