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Betdenrire

Une drôle de voiture

13 Mars 2010, 19:42pm

Publié par Philippe Lepers

Mon paternel a eu, sa vie durant, un nombre impressionnant de voitures toutes plus ou moins bricolées qui lui donna la certitude que serrer les mains avec du cambouis jusqu’au cou était chose tout à fait naturelle et conviviale. Plongeons nous à nouveau dans son journal qu’il n’a cesser d’écrire, jour après jour, soixante ans durant. Cette fois ci c’est l’hiver 51. Il fait froid et il va enfin toucher sa première décapotable.

 

                     Une drôle de voiture.

 

" Un ami dentiste, Marcel Malbert, ami de notre épicier Barthier et fils du contremaître de mon ami Abos, devait se marier. Il avait besoin de remettre en état le logement attenant à son cabinet dentaire. Moi, j’avais des dents à soigner.

Tous les dimanches, notre sortie, c’était chez lui, à Montlhéry, pour l’aider dans ses travaux.

Je refaisais les plâtres et l’électricité. Nous avions abattu une cloison et modernisé l’escalier en noyant les barreaux de la rampe en fer dans un mélange de plâtre et papier.

Un dimanche, ma vieille Rosengard était en panne et la camionnette 202 que me prêtait Abos n’était pas libre.

J’en demande une à mon copain Valentin Valente le casseur de voitures. Malheureusement il n’y avait rien de roulant mise à part une vieille C4 Citroën qui était déjà à moitié découpée.

Il n’y avait plus de carrosserie et le radiateur était déjà enlevé. Ce n’était pas un problème, il gelait à moins dix. On attache avec du fil de fer une caisse en bois à l’avant pour servir de siège. L’engin démarre au premier coup de manivelle. Formidable, aujourd’hui on ne fait pas mieux. Une deuxième caisse est amarrée sur l’arrière du châssis avec de la ficelle pour y loger mes outils.

Agnès, ne voulant pas monter sur ce monstre de ferraille, prend l’autocar à la porte d’Orléans.

J’attaque la RN 20 à Montrouge. La troisième saute et il faut la maintenir en permanence à la main. Le tableau de bord est tout rafistolé. Il n’y a plus ni phare ni klaxon.

Avec un tel engin, aujourd’hui, je serais arrêté au premier carrefour par la police avec une prune hyper salée mais nous sortions de la guerre et les voitures neuves étaient peu nombreuses de même que les bonnes occasions. Il y avait ainsi beaucoup de très vieilles voitures en mauvais état qui roulaient encore mais des comme la mienne, il faut bien le dire, c’était rare.

A cette époque, au début des années cinquante, il y avait des travaux de mise à quatre voies sur la nationale et de longs tronçons étaient à voie unique.

Je roule à fond, à 20 Km/h. Derrière moi un autocar et derrière lui une file de voitures qui grossit à vue d’œil bien obligées de régler leur allure sur la mienne. J’entends de mon poste avancé les klaxons des mécontents qui montent crescendo. J’ai droit à tout les noms d’oiseaux et plus si affinité. Les plus virulents sont certainement  les passagers du car qui tempêtent contre cet imbécile et sa carcasse de voiture. Ma femme, qui se trouve par pure coïncidence parmi eux, se garde bien de leur dire que le chauffeur qui emmerde tout le monde est son mari !

Arrive la fin des travaux et le car me double enfin.

A son passage, je fais signe à ma femme qui regarde le plafond.

Je finis par arriver à pied-d’œuvre. Malgré la très basse température le moteur est quand même très chaud et l’huile commence à fumer. Moi, malgré les deux pull-overs, je suis transi de froid.

Après m’être réchauffé avec un café bien chaud, nous attaquons les travaux et un peu avant midi je vais m’installer sur le siège de tortures. Marcel me passe la roulette et me pose un nouveau pansement filmé en automatique par ma caméra 9,5.

Nous prenons l’apéro et déjeunons parmi les gravois.

Le soir, avant de partir, je dois brancher un vieux phare que nous n’avions pas eu le temps de brancher au départ. Après bien des difficultés, je finis par le faire fonctionner ainsi qu’un feu rouge mais le tacot refuse de démarrer. Je m’énerve sur la manivelle en vain. Le moteur reste muet. Je finis par me rendre compte qu’il n’y a plus d’essence dans le bidon qui lui aussi avait été fixé à l’arrière du châssis pour remplacer le défunt réservoir passé au chalumeau.

Je  déficelle le bidon et pars à la recherche d’une pompe à essence. Heureusement il y en avait une à moins de cent mètres. Malbert était déjà parti pour Paris ramenant sa souris et ma femme dans sa resplendissante 4CV.

Le voyage du retour se passe sans incident malgré les faibles chances que j’ai qu’il en soit ainsi.

Le lendemain, Valentin, d’un coup de chalumeau, mettait fin à la carrière de ce cyclope aphone et dénudé qui pour ultime consolation avait eut droit à son chant du cygne,

moteur au vent et châssis en fleurs sur la mythique nationale 20. "

 

J’ai retrouvé un dessin datant de 1941qu’il a fait en Allemagne pendant qu’il était prisonnier. Passablement abîmé, je me suis permis de le restaurer et même de le coloriser. Je pense que si il avait connu Photoshop il ne se serait pas privé d’en abuser.

Son sens de la famille en auto prend là tout son sens.

Il est vrai qu’à l’époque il n’avait pas eu encore le permis.

Donc, aujourd’hui, vous avez droit à 2 dessins dessinés à 69 ans d’intervalle.

 

 les-voisins-121-une-drole-de-voiture-mini


les-voisins-122-l-auto-ideale-mini

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