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Betdenrire

Généalogie - Suite

12 Avril 2012, 19:23pm

Publié par Philippe Lepers

Suite de Généalogie La machine à remonter le temps

De mes ancêtres laboureurs de la 10 et 11eme génération je n’ai pas encore pu accéder aux  minutes notariales aussi bien des Flandres françaises que belges mais je ne désespère pas. En généalogie on avance par petites touches en gagnant parfois 2 ou trois générations d’un coup.

Il y a par contre dans la littérature, comme dans les carnets de voyage, de nombreux témoignages qui donnent une vision réaliste de la vie à ces époques. Stephenson, Hugo,

Beaumarchais ou Daudet ont très bien décrit au court de leurs périples l’ambiance des métiers complétant superbement l’Encyclopédie illustrée de Diderot et D’Alembert.

Quel dommage que le poème vengeur, que Victor Hugo avait troussé à même le mur de sa chambre qui grouillait de poux, punaises et autres cafards, n’eut pas été conservé par l’aubergiste. Il serait devenu le graffiti le plus cher au monde :

 

« A l’aubergiste de « La Hure »

Vendeur de fricot frelaté

Hôtelier chez qui se fricasse

L’ordure et la saleté

Gargotier chez qui l’on ramasse

Soupe maigre et vaisselle grasse

Et tous les poux de la cité

Ton auberge comme ta face

Est hure pour la bonne grâce

Et groin pour la propreté ! »

 

C’est que la propreté, jusqu’à une époque récente, n’était pas le souci majeur de bons nombres

d’aubergistes et hôteliers.

La France, traversée par les « touristes » étrangers, avait acquit une très mauvaise réputation au niveau de l’accueil des voyageurs et il n’est nul besoin de remonter loin dans le passé pour

en avoir un témoignage précis.

Dans les années cinquante, c’est très récent par rapport à l’histoire, je me souviens être descendu avec mes parents dans une auberge du val de Loire où les toilettes, contiguës aux cuisines, se déversaient à même une flaque nauséabonde d’où décollait une myriade de mouches prêtes à foncer toutes pattes dehors sur les aliments qui garnissaient nos assiettes. Apparemment ils avaient inventé le mouvement perpétuel. L’ingestion des aliments souillés entraînant de facto la visite des clients à la fosse d’aisance où les Scathophagidae, les Scathophaga furcata  et autres Lucilia Caesar, autrement dit les mouches à merde, s’en donnaient à cœur joie, enthousiastes de remettre le couvert illico presto.

Remontons d’une génération.

Mon père Floris, 1920-1995, dont j’ai souvent conté les aventures tragi-comiques dans le blog, est né à Gentilly dans l’appartement qu’avait louer mon grand-père Eloi en 1918 à la sortie de la grande guerre, quittant définitivement la région du Nord, berceau de la famille et entraînant avec lui mon arrière grand père Victor, mon arrière grand-mère Louise et ses sœurs cet à dire mes grandes tantes Céline et Claire.

6 kilos à la naissance, on peut dire que c’était un beau bébé. En comparaison avec ma mère Agnès, 1925-2002, qui n’avait pas été pesée mais qui fut placée à la naissance sur un bout de coton hydrophile dans une boite à chaussures, on peut dire qu’il n’y avait pas photo ou alors il aurait fallu inventer Youtube plus tôt.

Un petit détail sur cet appartement où ma tante Jeannine, la sœur de mon père, y est également née.

En 1918, entre le 23 mars et le 9 août, juste avant la présence des Lepers, les canons à longues portées allemands « Pariser kanonen », faussement surnommés « Grosse Bertha » tirèrent plus de 400 obus de 106kg sur Paris faisant de nombreuses victimes. L’un d’eux tomba soit disant sur Gentilly, ce qu’aucun témoignage officiel ne confirme actuellement. Les impactes sur Paris et sa petite couronne avaient été scrupuleusement recensés à l’époque et divulgués à la population dans le journal « l’illustration » .Comme en parallèle les avions bombardiers Gothas s’en donnaient à cœur joie, il est plus probable qu’il s’agit plutôt là  d’une de leurs bombes lors du raid sur la rue de Tolbiac. Toujours est-il que, place de la Fontaine, un éclat vient pulvériser la fenêtre du séjour et cribler la porte de la chambre à hauteur de tête. Le rideau de fer du café d’en face garda également pendant de nombreuses années les impacts de l’explosion. Quand mon grand-père Eloi, 1893-1971, prit possession des lieux, le propriétaire lui proposa de faire changer la porte ou tout le moins de la faire réparer et effacer ce joli trou en forme de tête de mort qui traversait en plein milieu le panneau supérieur.

Mon grand-père refusa poliment prétextant qu’il y avait là dorénavant deux survivants aux projectiles allemands, la porte et son crâne où une balle depuis 1914 y avait fait son nid. Quand bien des années plus tard, après le décès de mes grand-parents, ma tante vint de nouveau habiter dans les lieux, elle fit changer la disposition des pièces et nous stockâmes en souvenir la fameuse porte à la campagne. Aujourd’hui, plus moyen de mettre la main dessus. J’aurais pu la céder à la mairie comme monument historique !

L’emblème de la mort n’avait pas particulièrement de prise sur mon grand-père. Ce n’était pas le cas de ma grand-mère Elise, superstitieuse à souhait qui voulait bien évidemment faire disparaître ce témoignage insolite surtout quand elle recevait ses clientes pour leur tirer les cartes. Une rencontre fortuite chez « Jammet », le bistrot d’en face, entre le fossoyeur et mon aïeul, eu pour conséquence de lui faire réellement dresser les cheveux sur la tête. Elle n’avait pas remarqué dans la matinée que son mari était rentré avec un paquet sous le bras. L’après-midi, s’étant absentée, lorsqu’elle revient chez elle accompagnée qu’une cliente, elle trouva curieux de voir son faitout en pleine ébullition. Intriguée, elle souleva le couvercle et poussa un cri secondé aussitôt par sa copine avant de se trouver mal. Mon grand-père qui tranquillement fumait la pipe dans la salle à manger en savourant son quotidien boursier, n’aimait pas le bruit et encore moins les éclats de voix. Cela lui faisait mal à la tête avec cette fameuse balle au milieu du cerveau. Il s’en fut donc de forte méchante humeur et engueula les deux femmes en les priant de s’occuper de leur oignons. La cliente, les yeux exorbités, avec sous le bras « Détective » un hebdomadaire traitant des crimes les plus monstrueux, était pétrifiée. Devant elle, sur la gazinière, le faitout, débordant de belles mousse blanche, laissait apparaître entre  gros bouillons et longues mèches de cheveux poivre et sel, un crâne à la peau ramollie. Elle perdait progressivement son aspect momifié pour laisser deviner l’os pariétal immaculé d’une tête de mort du plus bel effet.

Après moult explications, il s’ensuivit que le grand-père voulait cet attribut pour en étudier sa constitution et faire ainsi un parallèle avec sa blessure de guerre mais il le voulait propre.

Comme il était très radin, trouvant bien trop onéreux l’achat d’un tel objet dans une boutique spécialisée de la rue des écoles, il avait soudoyé le fossoyeur pour récupérer une tête de la fosse commune. Pour la paix des ménages, le crane resta le plus souvent dans le placard de la chambre juste à côté du jambon envoyé par la famille de Corrèze qui  poursuivait là son séchage en bien curieuse compagnie.

Bien des années plus tard, je devais avoir dix ans, une grande partie du quartier fut réhabilité pour laisser place à une cité HLM. Les bulldozers, en retournant le terrain, mirent à jours, à l’emplacement de la place de la Victoire actuelle, un charnier qui se trouvait en fait être le tout premier cimetière de Gentilly, à moins de 50m de l’église Saint- Saturnin. Evidemment tous les gosses au sortir de l’école, après avoir jouer au foot avec ses étranges ballons se mirent en quête de ramener chacun à la maison, qui un tibia pour Médor, qui une main pour faire peur à la concierge, qui un crâne, pensant que pour la fête des pères, une fois sciée, cela ferait un excellent cendrier. Bref il fallut l’intervention du commissaire de police et une cohorte d’ouvriers pour redonner à ces vestiges humains le respect et la dignité qu’ils n’auraient jamais du perdre.

Mon grand- père récidiva d’autant que ma grand-mère avait certainement depuis belle lurette « égaré » la première tête. La semaine suivante, il était aussi à l’aise qu’un grand ponte de l’amphithéâtre de l’école de médecine pour m’expliquer en roulant dans ses mains un crâne du 13eme siècle comment il était constitué et où sa balle se situait exactement !

Mon grand-père, à l’époque où il était en activité, était négociant en tissus. Il avait fait des études de tisserand à Roubaix interrompues par la mobilisation en 14 et tenait un petit entrepôt dans le quartier du Sentier. Parallèlement ma grand-mère s’essayait à vendre sur les marchés des coupons de tissus mais elle avait tout sauf la fibre commerciale et au grand dam de son époux son affaire périclita rapidement. Au vu de la bonne tête des clients, elle faisait crédit et offrait de telles remises que le bilan fut rapidement catastrophique. De son côté le grand-père eut affaire à de nombreux escrocs qui ne lui permit pas de faire fortune mais son sens inné des opérations boursières lui fit réussir certains placements qui finirent sous son contrôle judicieux à s’auto financer pour constituer un petit bas de laine suffisant pour entretenir sa famille. Comme les médecins, optimistes en 1918 au sujet d’une éventuelle extraction de la balle, avaient viré casaque et ne parlaient plus d’opération, bien trop délicates à leur goût, ils lui donnèrent en désespoir de cause que quelques années à vivre et lui conseillèrent de profiter pleinement de la vie. Il s’empressa  de suivre leur protocole et se mit à entretenir une danseuse des Folies Bergères et vivre grand train. Comme il ne mourut pas, il s’assagit et revint au bercail où, entre son fauteuil, muni de son journal de boursicoteur et ses séances de natations à la piscine de la Butte aux cailles, il passa le plus clair de son temps à agrémenté ses après-midi de longues promenades digestives sur plusieurs kilomètres. Il faut dire que ma grand-mère devait avoir des actions secrètes dans l’huile d’arachides tellement elle l’utilisait dans sa cuisine. Les gâteaux ruisselaient, les salades surnageaient, c’était la reine du maxi kilocalorie et il fallait un certain sens du risque pour s’attabler chez eux, risque cardiovasculaire j’entends.

Génération précédente.

Mon arrière-grand-père Victor, 1868-1944, époux de Louise Devernay,  était plutôt grand pour l’époque et chaussait du 50. Maigre et sec, il avait un fort appétit. Roi de la débrouille avec des doigts d’or, il savait tout faire. Il savait lire mais pas écrire, tout au moins il s’y engageait rarement peut-être de peur d’être soumis aux quolibets suite aux fautes de français et d’orthographe qu’il ne maîtrisait pas. Il parlait un patois roubaisien à couper les frites en quatre, le roubaigno. Anneséco voulait dire : Quelque chose ; Achteur : Maintenant ; Arvise : Regarde ; Mi : Moi ; Akaté : Acheter ; J’véro : Je verrai ; Caillole ; Casserole ; Kien : Chien.

Toujours est-il qu’il commença comme son père Floris et son grand-père Jean Baptiste Romain le métier de tisserand à Roubaix puis plus tard avec sa femme il monta une baraque à frites dans le quartier Sainte-Elisabeth.

La guerre de 14/18 avec l’occupation allemande fut très pénible pour les habitants qui virent les matières premières détournées par l’occupant, laissant la ville dans une telle misère qu’elle mis plus de 10 ans à s’en remettre. Pendant toute la guerre elle resta isolée du reste du pays mais des tracts et des journaux clandestins arrivaient à passer à travers les lignes. Mon père a retrouvé ce genre de documents dans les papiers de mon grand-père.

Le premier tract du 13 juillet 1915 est ainsi libellé :

 

 «  Circulaire N°2      Nouvelles de Roubaix

 

Lettre d’un roubaisien parti le 11 Décembre 1914.

 

« Pendant les deux mois et demi que j’ai passé à Roubaix au milieu des boches, ses habitants étaient parfaitement tranquilles supportant avec calme la contrainte morale exercée par la personne de l’ennemi.

Au point de vue matériel, pas d’attentat contre les personnes et pas de pillage des habitations

particulières. Les troupes de passage qui ont logé à différentes reprises chez l’habitant se sont bien conduites.

  Peut-être y a-t-il eu quelques exceptions, dont je n’ai pas eu connaissance du reste, mais il faut apprécier la chose d’une manière générale. On peut dire que la conduite de ces troupes de passage à Roubaix, Tourcoing et Lille n’a pas laissé à désirer surtout de la part des vainqueurs traversant une région momentanément en leur pouvoir.

Quant aux troupes d’occupation (landsturm) qui sont chez nous depuis le 20 octobre, logées également chez l’habitant et composées de bons pères de famille, elles se comportent très convenablement. En plus de ces troupes on nous a aussi envoyé des compagnies de « vendangeurs » ainsi appelées par les loustics roubaisiens parce que leur rôle est de réquisitionner le vin dans les caves. Les habitants logeaient également des compagnies spéciales d’infirmiers de la Croix rouge, des infirmières et des sœurs d’ordres catholiques et protestants. Avec cela des officiers de tous grades et de toutes armes, bref rien ne manquait à notre cinéma vécu !

   Au début du passage des troupes et faute d’entente ou d’organisation entre la mairie et les boches, les habitants ne touchaient rien des troupes logées ; peut-être seront-ils payés plus tard par la ville. Mais depuis que la kommandantur a organisé ses services d’occupation et réquisition, les habitants logeant des boches sont payés journellement et en espèce à raison de : 5 francs par jour et par homme, 7 francs par jour et par sous-officier, 12 francs par jour et par officier. Ce n’est donc pas une ruine pour les hôteliers improvisés malgré eux.

  Ceci dit, et si nos ennemis se montrent convenables vis-à-vis des particuliers et de leurs maisons, il n’en est plus de même au point de vue des marchandises !

  Ils ont réquisitionné dans les grandes largeurs tout le coton brut, la laine brute, la laine peignée, le cuivre, le lin, etc… en un mot toutes marchandise renfermées dans les usines, au conditionnement et dans les magasins généraux. Ils sont loin d’avoir tout emporté en Allemagne faute de moyens de transport (manque de locomotives surtout) mais si on leur laisse le temps nécessaire, comme c’est malheureusement probable, il est certain qu’ils nous prendront jusqu’à notre dernier kilo de matières !

Il est vrai qu’ils donnent des bons en règle en établissant que le prix des marchandises enlevées sera fixé et payé à Berlin après la guerre !

On peut évaluer que Roubaix seul va être saigné d’environ 150 millions !

  L’officier Kuhtz qui était chargé de ces réquisitions et dont j’avais fait la connaissance au sujet d’un litige me faisait remarquer, un jour que je lui reprochais de ne pas y aller de main morte, que toutes les marchandises enlevées par eux en France, n’étaient absolument rien auprès des milliards représentant leur flotte marchande et les marchandises prises et confisquées par les anglais !

  C’est toujours la théorie des compensations mais, en attendant l’heure des justes réparations, ce sont les pays envahis qui sont les victimes ! 

   En dehors des réquisitions des marchandises, ils ont aussi pris le vin dans les caves des particuliers. Un 1/4 des bouteilles était laissé à l’habitant et les 3/4 transportés dans les caves de l’Hôtel de ville pour une part et le reste dans leurs ambulances. Des bons en règle ont aussi été délivrés aux victimes de ce petit pillage spécial.

  Les boches ont aussi imposé aux villes de Roubaix et Tourcoing un impôt de guerre représentant toute les contributions des particuliers pendant un an, soit environ une somme de 8 millions pour les deux villes. Cela ne les a pas empêchés de prendre en plus 4 millions et demi qu’ils ont trouvés en espèces dans les caisses de la banque de France à Roubaix et à Tourcoing.

  La ville est toujours administrée par LEBAS lequel trouve une aide sérieuse dans la  chambre du commerce qui s’occupe des questions de plus grandes envergures sous la direction de MOTTE, ROUSSEL, etc…

  Douze otages ont été pris et se remplacent tous les trois jours. Ils sont logés et nourris à l’Hôtel de Ville. Il y a généralement 3 membres du clergé, 4 notables commerçants et 5 membres du conseil municipal. C’est ainsi que tous les ecclésiastiques actuellement à Roubaix se sont fait inscrire et vont faire leurs trois jours d’otagerie à tour de rôle.

La messe de 9 heures à Saint Martin est réservée exclusivement pour les officiers et soldats allemands. Le sermon est naturellement prononcé en allemand.

  Les vivres ne manquent pas quoiqu’un peu plus chers comme partout du reste. On circule très librement, les tramways fonctionnent dans toutes les directions, aussi bien le Mongy que le car F. Par contre à 8 heures tout le monde doit rentrer chez soi.

Les jeunes gens, les hommes jeunes ou vieux sont absolument libres et jusqu’à présent il n’a été nullement question de faire des prisonniers civils.

Il est vrai que depuis la fameuse évacuation du 8 octobre, il reste assez peu d’hommes mobilisables à Roubaix. Quelle affaire que cette évacuation ordonnée trop tard !

  On a parlé d’une soixantaine de morts mais je crois ce chiffre très exagéré et il faut tenir compte des additions de l’opinion publique lorsque en temps de guerre on colporte des chiffres de bouche en bouche. On n’a cité à Roubaix aucun nom de tué dans ces conditions.

  Par exemple on parle d’une quinzaine de mille faits prisonniers. Ces hommes, conduits à Douai, on passé devant des majors allemands. On a renvoyé chez eux les malingres et les impotents de tout genre puis les costauds, soit une dizaine de mille dit-on, ont été envoyés en Allemagne.

  Aucune usine ne fonctionne faute de matière première. Les familles ouvrières vivent avec l’allocation de l’Etat, payée régulièrement jusqu’ici, soit 1 Fr 25 par grande personne et

0,50 Fr par enfant.

  En résumé, à la date du 10 décembre 1914 :

-Pas d’épidémie.

-Pas de pillages systématiques

-Les habitants respectés, les troupes logées se conduisant généralement bien.

-Les vivres sans être abondantes ne manquent pas.

-Grosse réquisition de matières premières.

-Liberté relative des habitants.

Conclusion : La vie serait supportable là bas ; n’était la contrainte morale exercée par les lourdes bottes et les casques à pointes d’Outre-rhin qui troublent momentanément notre chère cité. »

 

Deuxième tract :

 

« Tout ce qui a été possible d’apprendre sur les rares personnes échappées.

1°- En dehors de Lille bombardée et en partie incendiée, ni Roubaix, ni Tourcoing, ni Wattrelos n’auraient subi de dommages matériels.

2°- C’est que les conditions sanitaires sont généralement bonnes. Il n’en est pas de même des conditions alimentaires, la farine se faisant rare, mais des mesures ont été prises pour remédier à cette situation dans la mesure du possible. On nous informe même que le pain noir est remplacé par du pain blanc.

3°- C’est que, après être resté à la tête de l’administration municipale, notre ami Lebas s’est vu, dans les premiers jours de mars, arrêté et jeté en prison où il se trouve encore et au secret le plus absolu. C’est, d’autre part, qu’il est remplacé à la mairie par le camarade Thérin sur lequel on peut compter pour le bon fonctionnement des services de solidarité sociale (allocations, secours de chômage, etc…)

4°- C’est que les usines sont arrêtées. Toutes les provisions de laines, cotons, etc, ont été réquisitionnées et expédiées en Allemagne.

5°- C’est que les officiers et soldats allemands sont en partie logés chez les habitants dont ils ont respecté à peu près tout, sauf les caves.

5°- C’est que nos amis Delory et Ghesquiere sont retenus comme otages à Lille. Ragheboom serait dans la banlieue d’Esquermes. »

 

                                                   Roubaix le 3 janvier 1915

 

Il est à remarqué que le crime de lèse majesté de s’attaquer au pinard national ne portera pas chance à l’occupant malgré le soins qu’ils prirent d’en garnir leurs ambulances. 3 ans plus tard, ils perdront la guerre !

 

Mon grand-père Eloi, franc-maçon au Grand Orient de France, réussi par ses contacts, grâce au consulat d’Espagne à faire sortir ses parents et ses sœurs de la zone occupée en empruntant le chemin de l’Allemagne et de la Suisse pour qu’ils les rejoignent à Gentilly. Mon arrière grand-père Victor devint alors ouvrier puis contremaître dans la fabrique de préservatifs de la rue du président Wilson. Après les frites à la graisse de cheval, le latex à la vaseline.

Il avait sous ses ordres une vingtaine d’ouvrières et quelques hommes dont deux sénégalais démobilisés. Grâce à la firme Goodyear Tire & Rubber qui avait inventé en 1880 la redingote anglaise en latex, comme le nommait si poétiquement Giacomo Casanova à l’époque où on la fabriquait encore en boyau de mouton ou en vessie de porc, la production gentilléenne assurait bon an mal an du travail pour une quarantaine de personnes. On ignore si les deux sénégalais faisaient éventuellement office de mannequins pour la fabrication des moules.

Locataire d’une petite maison rue Louis Gaillet disposant d’un petit poulailler, ils migra  dans la cour du 14 de la rue de la Glacière (actuellement rue Albert Guilpin) pour y louer une maison disposant d’un enclos où tel Candide il y cultiva enfin son jardin.

Il n’avait pas perdu de vue son premier métier et avait fabriqué de toutes pièces un magnifique métier à tisser à haute lisse qui malheureusement servi à regret de bois de chauffe sous les frimas de l’hiver 1942 de sinistre mémoire.

Il y tissait des parures, des foulards et autres écharpes pour agrémenter l’ordinaire.

Les privations alimentaires pour cet éternel gros mangeur eurent raison de sa santé le 18 février 1944. Il n’eut pas la joie de connaître la libération lui qui n’avait pas eu peur de prendre le métro pour Paris le jour où les bottes allemandes pénétraient dans la capitale.

Il avait déjà connu l’occupation à Roubaix et avait refusé avec sa femme de se lancer sur les routes de l’exode qui firent, en réalité, bien plus de morts que ceux relevant de l’occupation parisienne proprement dite. Il n’hésitait pas à ramasser les crottins des chevaux pour fertiliser son petit jardin en suivant, comme le petit Poucet, la fanfare de la cavalerie teutonne, remplissant son seau à raz bord et hurlant : « Danke nach schmutz, reiter von mir zwei ! »

Merci pour la crotte, cavalier de mes deux ! Son accent de cht’i expliquant certainement le sourire des allemands à ce remerciement courtois mais à la compréhension semble-t-il assez hasardeuse pour tout linguiste qui se respecte.

Redresser, sur une petite enclume, les clous tombés sur la chaussée puis les ranger méticuleusement dans une boite après les avoir décapé et huilé, faisait partie de ses tocs, comme d’utiliser les jeunes toiles d’araignées comme pansement ou l’huile de vaseline pour la constipation ! Il est vrai qu’il l’avait gratuite !

Je vais arrêter là le descriptif de mes ancêtres, il faudrait un bouquin entier pour dresser le curriculum de tous ceux, non cité, au risque de faire un doublon avec les mémoires de mon père. A l’heure actuelle, je travaille toujours à étoffer plus profondément les souvenirs de mes aïeux par la découverte au gré de mes recherches aux archives citées plus haut. C’est parfois long et fastidieux mais ô combien enrichissant et, moralement, sortir de l’oubli des hommes et des femmes qui sont à l’origine de notre propre existence a quelque chose de prenant à la limite du mystique. C’est paradoxal pour un cartésien pur et dur mais je m’y fais.

Mes recherches généalogiques m’ont permis de retrouver les actes de naissances, de mariages et de décès de mes aïeux. Ainsi, pour ceux en ligne directe :

Lepers Floris Joseph 1826- 1856,  épouse  Pauline Angélique Catoire 1829- … à Roubaix.

Lepers Jean Baptiste joseph Romain 1797-1827, épouse Ernestine Marie Héleine Delescluse…-… à Roubaix

Lepers Jean-Baptiste 1758- … , épouse   Eléonor Leclecq 1762 -… à Roubaix

Lepers Jean  1726- … , épouse Marie Thérese Caquant 1729 -… à Roubaix

Lepers Pierre 1697- …, épouse Marie Marguerite Brou 1698 -… à Lille.

 

Comme on peut le voir certaines dates de décès manquent encore à l’appel mais on remarque que les migrations familiales dans les siècles précédents étaient rares, hormis en périodes de famines, d’épidémies ou de guerre, il est bien évidemment plus facile de remonter les générations quand la famille a été originaire du même lieu pendant des siècles.

Du côté de ma femme, nos recherches ont fait rapprocher géographiquement nos deux familles pour découvrir que nos ancêtres belges se trouvaient dans la même région à moins de 10 kms les uns des autres. Etonnant non ? Bien plus fort encore, dans les minutes de maître Goosmachtigh, notaire à Dottignies dans la province de Courtrai, on découvre que l’invention de la chaise à porteur en location individuelle est due à l’un de ces illustres ancêtres, le même qui avait déjà décrié la chronique en inventant le pare-avalanche aux Pays-bas.

 

Alors, si vous voulez en savoir plus sur vos origines, allez, lancez-vous, vous ne serrez pas déçu. Vous voyagerez dans l’histoire d’une toute autre façon et vous découvrirez que s’ils n’avaient ni I-phone, ni écrans 3D, ni automobile, leur intelligence était aussi semblable à la notre, si ce n’est plus car la vie n’était pas facile et il fallait constamment rusé pour vivre.

Les anthropologues n’affirme-t-ils pas qu’un bébé du néolithique, s’il pouvait être élevé à notre époque, pourrait parfaitement poursuivre des études supérieures et devenir un individu des temps dit modernes tout à fait honorable et même président de la république.

                               Cro-Magnon président, la boucle est bouclée.

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