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Betdenrire

La tac tic du gendarme

5 Janvier 2009, 18:08pm

Publié par Philippe Lepers

L'épisode des bouteilles de cidre eut une suite inattendue.


Le bouche à oreilles entres amis finit par faire son effet.
Plus personne, en visite chez mes parents, n'acceptaient le fameux coup de cidre pour la route, prétextant une indisposition passagère aux liquides... acides.
Comme dit le poète, la route est longue et on n'est pas actionnaire chez Lotus.
Le paternel: - On va faire du calva ! - 

Soupirs et consternations du cercle de famille.

- On va fabriquer un alambique et distiller le cidre. -

Nous voila partis à réaliser alambique et condenseur.
Le premier alambique fut la cocote-minute transformée-maison.
A la place de la soupape de sécurité, un adaptateur et un bout de tuyau. Pour le condenseur, un tube de cuivre recuit enroulé sur un cylindre et brasé dans un bidon vertical de récupération avec arrivée et sortie d'eau de refroidissement.

Simplissime et, il faut l'avouer, très efficace.
Les premiers essais permirent la mise au point d'une méthode de distillation relativement fiable. 
Ne pas trop chauffer pour éviter d'entraîner la vapeur d'eau avec les vapeurs d'alcool. Utiliser régulièrement un pèse-alcool pour contrôler le degré et l'affaire était jouée.
Evidemment, curiosité aidant, distiller à nouveau la première pissée, pour finir de titrer à plus de 80°, était très amusant, surtout lorsque les amis y goûtaient. (oui, c'étaient les mêmes !)


Cela entraînait des fuites aux niveaux des joints et la cave finissait par empester le calva.
Tout visiteur, qui se pointait voir mon père distiller sur sa drôle de bécane, ressortait d'humeur guillerette avec une démarche chancelante qui ne présageait rien de bon quant à son hypothétique retour à la maison.
Beaucoup, les prudents, restaient dormir.
Au fil des ans, quelques améliorations permirent de réaliser une gnôle à peu-prés potable, toujours en parallèle avec le cidre qu'il continuait de fabriquer.
Il était le seul à en boire... à moins de se faire de nouveaux amis.

Parfois il s'aventurait à créer des effets de couleurs avec différentes substances. L'été venu, dans les champs alentours, il n'y avait plus un seul coquelicot.
A peine cueillies, les pétales, trempées dans l'alcool, étaient instantanément décolorées, procurant au liquide une magnifique robe rouge vermillon.
La couleur ne tenait que le temps d'un été, aussi éphémère que la fleur.
Ce jour là, un copain adepte de la divine bouteille, secondait le paternel, autrement dit, il goûtait les différents distillats mais ne recrachait jamais.
Bonjour l'ambiance !
Vapeur aidant, le copain sort du sous-sol pour respirer autre chose, cet à dire griller une cigarette.
Oui je sais, vous faites le rapprochement: vapeurs inflammables / allumettes, mais heureusement pour lui, on sonnait au portail.
Pas le temps de sortir son cigarillos.
Dressés à 50 pas devant lui, un gendarme, puis deux, puis dix, puis vingt, agglutinés aux grilles, armés jusqu'aux dents, PM en bandoulière, casque de combat sur la tête et, pour couronner le tout, un  hélico en vol stationnaire au dessus de la tête !
Des camions de troupes étaient alignés à l'ombre, le long du chemin. 
Le copain, habitué à voir double, dévala les marches en hurlant: 
- Floris, nous sommes cernés, on nous a dénonçés ! - 
- Ah oui ? -
Remontant les escaliers 4 à 4, enfin 1 à 1 vu l'heure avancée, le paternel suivit de son goûteur, vint à l'encontre de la maréchaussée.
- Bonjours messieurs, commandant X. je vous prie de nous excuser, un de nos véhicules contenant nos réserves d'eau est tombé en panne loin d'ici.
Nous terminons la manœuvre et les gourdes sont vides. Nous permettez-vous de les remplir à votre
robinet ?
Mon père:
- Aucun souci, c'est un plaisir de vous rendre ce service. -
Le copain chtitubant, il était du nord de la Sardaigne, n'en menait pas large mais voyant la tournure que prenaient les choses, il commençait enfin à se rassurer quand il entend tout de go :
- Vous n'allez pas repartir comme ça. Suivez-moi. 
Avec cette chaleur et tout ce crapahute, vous allez bien accepter un petit coup pour la route?
C'est bien ce que craignait le copain.
Mon père invite tout ce petit monde, fusils et bergers allemands compris, dans la cave.
Une bonne trentaine de personnes.
Explications détaillées, dégustations, démonstration en live: Et que je te fais une sur-distillation, et que je te goûte une lampée bien chaude, et que je te compare avec celle de l'année dernière...
En ce début septembre, dans la moiteur de la cave, c'est le remake d' "Apocalypse Now "mâtiné  "On a
perdu la cinquième compagnie".
Dehors on entend le rotor de l'hélico qui cherche ses ouailles.
A mon avis, à cette heure, ils consomment plus de gnôle que l'hélico de kérosène.
A la sortie, rigolades, embrassades. Et que l'on s'échange les adresses et que l'on promet de se  revoir l'année prochaine...
A Saint Tropez peut-être. 
Le commandant,  tellement heureux de voir les joues de ses gars avec ce joli teint de camouflage Lit de vin, promit à mon pères qu'au moindre PV ou tracas administratif, il serait toujours là pour lui rendre service.
Emu, le paternel offrit à chacun... une bouteille de cidre. Il y eut quelque explosions qui fit s'éloigner prudemment l'hélico. C'étaient de ces bouteilles sabotées encore en état de nuire.
Les bidasses rigolards, très rare chez les apprentis gendarmes, les faisaient tourbillonner à bout de bras en tentant de rejoindre leurs véhicules sans se douter un instant qu'ils manipulaient des grenades dégoupillées !
Pas évident de remonter dans ces foutus camions. 
Deux ou trois bruits sourds suivis d'applaudissements nourris confirmèrent qu'on ne trinque jamais avec le bouteilles et le convoi s'ébranla.
Après avoir raté le chemin, il laissa une multitude de traces à travers champs, formant des arabesques du plus bel effet. 
J'aurai bien aimé être une petite souris au débriefing.
Une dizaine d'années plus tard nous avons nettoyé la cave. Il restait encore une vingtaine de bouteilles prêtes à bondir !




 














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