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Betdenrire

Guillotine ou l’amour de son prochain.

5 Mai 2021, 08:17am

Publié par Philippe Lepers

S’il fallait la remettre au gout du jour, au moins pour le saucisson, parions que plus d’un serait aussi terrifié que le supplicié. Avec cette sacrée machine – la Mirabelle surnom dérivé de Mirabeau, la Monte-à-regret, la Veuve, le Rasoir national, le Moulin à silence, la Cravate à Capet après son emploi sur Louis XVI, la Lucarne au XIXe siècle, le Massicot, la Bécane, la Bascule à Charlot (du prénom de Charles-Henri Sanson, le bourreau du roi), le monde entier a été frappé de terreur à sa vue. Pourtant, au départ l’inventeur partait d’un sentiment altruiste afin de supprimer les souffrances inutiles. Avant son avènement, les nobles étaient décapités au sabre, les roturiers à la hache, les régicides et criminels d'État écartelés, les hérétiques brulés, les voleurs roués ou pendus, les faux-monnayeurs bouillis vifs dans un chaudron. Ce fameux inventeur, bienfaiteur de l’humanité, n’était pas le docteur Guillotin comme beaucoup le pense, mais son confrère Antoine Louis, un chirurgien militaire, secrétaire perpétuel de l’Académie de chirurgie. Guillotin, lui, en est le fervent instigateur. Avec l'appui de Mirabeau, député et secrétaire de l’Assemblée nationale constituante, Guillotin propose le 1er décembre 1789 un projet de réforme du droit pénal dont le 1er article dispose que « les délits de même genre seront punis par les mêmes genres de peines, quels que soient le rang et l'état du coupable », et demande que « la décapitation fût le seul supplice adopté et qu'on cherchât une machine qui pût être substituée à la main du bourreau ». L’utilisation d’un appareil mécanique pour l’exécution de la peine capitale lui paraît une garantie d’égalité, qui devait, selon lui, ouvrir la porte à un futur où cette peine serait finalement abolie. Son idée est adoptée en 1791 par la loi du 6 octobre qui dispose que « la peine de mort consistera dans la simple privation de la vie, sans qu'il ne puisse jamais être exercé aucune torture envers les condamnés » et que « tout condamné à mort aura la tête tranchée ». Malgré les protestations de Guillotin, cette machine se voit rapidement affublée du nom de guillotine. Ce sont les rédacteurs du journal royaliste Les Actes des Apôtres   qui auraient employé ce mot, dès les premiers jours, contre sa volonté. L’erreur de Guillotin aura été de plaider maladroitement pour cette machine le 1er décembre 1789 : « Avec ma machine, je vous fais sauter la tête en un clin d’œil, et vous ne souffrez point.  La mécanique tombe comme la foudre, la tête vole, le sang jaillit, l'homme n'est plus » glaçant tout de même ! Désolé de son impuissance à sauver quelques victimes, attristé de voir couler le sang à flot, écœuré d'entendre continuellement prononcer le mot de guillotine, jusque dans des chansons, d'apercevoir, sans cesse, l'image de la sinistre machine (sous la forme de hideux bibelots, d'ignobles bijoux, boucles d'oreilles, cachets de montre, etc.), Guillotin quitte Paris pour se délivrer de cette tragique obsession. Il passe ensuite le restant de ses jours loin de la vie politique et ne se consacre plus qu'à la médecine, s’activant à propager la pratique de la vaccination  contre la variole. Il préside le Comité central de vaccine créé en mai 1800, sous Le Consulat par le ministre de l'Intérieur, Chaptal. C'est, en cette qualité, que, le 1er mars 1805 il est reçu avec le comité, en audience particulière, par le pape Pie VII. Il est chargé d’installer le premier programme cohérent de santé publique en France à l’échelle de la nation. Guillotin est également le fondateur de la Société Académique de Médecine, ancêtre de l'actuelle Académie nationale de médecine. Une légende veut que Guillotin ait lui-même été exécuté par « sa » machine et s'explique par une coïncidence : un médecin lyonnais, J. M. V. Guillotin (sans lien de parenté avec lui), a été exécuté par la guillotine. Guillotin est en réalité mort chez lui, de causes naturelles d’un anthrax à l'épaule gauche, le 26 mars 1814 à l’âge de 75 ans. Le roi Louis XVI, grand bricoleur à ses heures, aurait perfectionné la machine en proposant de modifier le couperet en forme de croissant par une lame oblique plus efficace à ses yeux.  En effet c’est un moyen efficace de perdre la tête pour une bonne cause !

 

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