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Betdenrire

Transformeurs

28 Décembre 2012, 14:30pm

Publié par Philippe Lepers

L’habitude de détourner les objets de leur fonction première peut parfois jouer de mauvais tours.

J’ai autrefois récupéré, lors d’un héritage familial, un objet qui semblait pourrir au fin fond du jardin et qui n’intéressait personne. Il s’agissait d’une très vieille machine à laver en bois avec un mécanisme a entraînement à main qui, excusez du peu, lorsque l’on tournait la manivelle, entraînait des pales en bois dans un mouvement circulaire alternatif qui à l’époque de son utilisation permettait de retourner le linge comme celui qui barbotte dans votre tambour actuel.

E.D.A.L SPEED SUPRA, une machine de fabrication américaine, de Cincinnati précisément,

âgée, comme la vieille tante qui venait de casser sa pipe, de 98 ans. Cela ne rajeunissait personne mais l’idée de transformer ce vénérable instrument en bar à bouteilles me vint dans l’instant.

Gardant précieusement l’idée pour moi, lorsque l’on me demanda si quelque chose m’intéressait, Ils ne pouvaient guère faire autrement, c’est moi qui prêtait et le camion et les bras pour ce dépouillement en règle, je répondis par la négative, faussement blasé mais qu’éventuellement, ce truc la bas, près de la cabane au fond du jardin, ferait certainement un bon support pour une plante dans notre propriété de l’Essonne.

Une fois en possession de cet étrange objet, je le restaura à l’identique en réajustant les douelles et le fond tout en châtaigner dont les faces internes étaient striés pour mieux accrocher le linge et ainsi le retourner sur lui-même, l’inversion de sens lui offrant une autre disposition pour se frotter aux textiles voisins. Les cerclages démontés et dérouillés furent repeints et les piètements se virent affublés de roulettes pour plus de confort ménager.

L’appareil avait l’aspect d’un cuvier tonnellée tronconique recouvert d’un couvercle pivotant avec son mécanisme d’entraînement débrayable à l’ouverture.

Elle avait fière allure dans notre salon et bien vite les bouteilles d’apéritif et digestifs, on picolait sec à l’époque, prirent une place de choix dans ce magnifique écrin sortit tout droit d’un roman de Jules Vernes.

Ma trouvaille faisait l’admiration des invités et, m’étant renseigné auprès d’antiquaires spécialisés, il s’avéra que sa valeur marchande était bien loin supérieure à tous le déménagement réuni, armoire normande, vaisselier, bureau, commodes et même plumard qui semblait accessoiriser un film de cape et d’épée.

Je dégustais donc mon apéro entouré d’invités en admiration devant un tel génie du transformisme. Je sais, très tôt mes chevilles se sont mit à gonfler. Cela jusqu’au jour où, me trouvant en cuisine pour aider ma tendre et chère épouse à disposer les canapés sur un plat, un bruit énorme de verre cassé vint nous agresser les tympans. J’avais, comme à l’habitude, rabattu le couvercle après en avoir extrait quelques bouteilles mais cette fois, curiosité oblige, un  marmots, intrigué par cette grande roue munie d’une poignée, se mit en devoir de la faire tourner énergiquement avec un plaisir non dissimulé si chère aux gosses à baffer.

Je peux affirmer ici que cette machine est tout à fait exceptionnelle. Non seulement elle lave le linge, ce qui toutefois est sa raison première, mais en plus, elle broie du verre et cela menu- menu !

Inutile de préciser que l’étanchéité, autrefois normalement entretenue par des lavages successifs, avait depuis longtemps disparu et c’est le carrelage qui récolta cet étrange mélange de vermouth-anisé au porto-Whisky avec soupçons de vodka-rhum aux effluves du plus charmant effet.

Dès le lendemain je sacrifiais les 4 grandes pales en bois pour ne laisser que leurs fixations en bronze qui elles ne risquaient pas de créer un shaker géant à chaque fois qu’un affreux jojo désirait jouer de la manivelle. Bien des années plus tard, mon petit fils âgé d’à peine un an, tentait ainsi ses premiers exercices de musculature sur cette machine. C’est fou ce que les rouages et autres mécanismes attirent l’attention des minots !

Chez un ferrailleur, dans les années 70, j’eu également l’occasion de récupérer de vieux régulateur à boules de Watt qui servaient autrefois à limiter la vitesse des vieux ascenseurs

en serrant, aidés par la force centrifuge qui éloignait les boules entres-elles, les deux mâchoires sur le câble. Cet astucieux assemblage tout en fonte et bronze, monté sur un socle avec sa grande poulie et ses différents mécanismes avait fière allure et, vu son poids dépassant les 100 kg, pouvait idéalement servir de support à un luminaire sans que la fougue d’un adolescent boutonneux  vienne perturbé sa stabilité. Comme dans un match de boxe on ne concourait pas dans la même catégorie et je préférais fournir du Sparadra aux parents plutôt que de ramasser des ampoules brisées.

Je n’avais pas pensé un seul instant qu’en entraînant à la main le dispositif toujours dans le même sens, le cordon électrique d’alimentation se vrillerait à l’intérieur de la colonne jusqu’à céder et plonger par conséquence la maison dans le noir ! Ce qui fut fait.

En conclusion, avant de jouer les transformeurs, pensez bien à toutes les éventualités que votre opération risque d’engendrer et demandez avis à votre épouse. Les femmes sentent venir ces genres d’embrouilles et sont toujours de bon conseil, croyez moi je sais de quoi je parles.

 

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