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Betdenrire

Islande 4 - Solfatarus cruelus

18 Décembre 2008, 18:24pm

Publié par Philippe Lepers

Dans les zones volcaniques actives tous les solfatares se ressemblent, vapeur d'eau, gaz carbonique et autres
s'en échappent avec plus ou moins d'intensité et une forte odeur d’œuf pourri indique la plupart du temps la
présence d'hydrogène sulfuré.
Comme tous le monde a déjà assisté en chimie à l'électrolyse de l'eau, chacun a en mémoire la petite détonation qui suit le retournement de l'éprouvette contenant l'hydrogène en présence d'une flamme.
Moi, je dirai un ploc, d'autres vous affirmeraient qu'il s'agit d'un bang. Enfin, tout dépend de la grosseur de
l'éprouvette ou de la proximité de l'observateur.
Cela scientifiquement expliqué, retournons en vacances.
Il existe des individus qui ne peuvent se passer, même un instant, de leur précieuse cigarette et tout interdit fait ressortir en eux un sentiment de révolte qui les incite parfois à passer outre la plus élémentaire prévention.
Cet après-midi là, dans la région de Mivatn, de nombreux touristes ont débarqué de gros autocars 4x4. A peine dehors,appareils photos en bandoulière, ils passent d'un solfatares à un cratère de boue bouillonnante en  mitraillant à tout-va.
Des panneaux, en différentes langues accompagnées de silhouettes expressives, informent le béotien du danger de brûlures et le maintiennent en théorie à distance. 
S'approche alors un personnage haut en couleurs. Un clone d'hercule Poireau mâtiné Cyranno de bergerac.
En short et espadrilles, le gilet de reporter truffé d'appareils photos, coiffé d'un bob du plus bel effet avec à la bouche... un gros cigare type Baton de chaise.
Cigare allumé, je précise. 
"Surtout soit prudent chérie, ne t'approche pas trop près et fais attention de ne pas te salir !"
Sage recommandation d'une épouse à l'accent bruxellois à couper au couteau.
Pour provoquer une détonation, il faut que le mélange air / hydrogène soit bien précis. Trop loin de la source, le mélange est trop pauvre, il ne se passe rien.
Trop près, c'est justement le cas pour réaliser un gros plan, il se passe toujours quelque chose...
Je met sciemment des points de suspension pour m'éloigner.
Un boom magistral, comme de ces coups de canon que l'on tire pour annoncer une naissance princière, emplit la vallée.
La tronche noire de boue, le cigare éclaté toujours en bouche, les vêtements en loques, le bob encore à tournoyer dans les airs, le malheureux photographe se retrouve à dix mètres de son briquet improvisé.
L’œil à la fois hagard et interrogateur, il reste fixé sur ce qui reste du monticule d'où s'échappe toujours des volutes de fumée.
L'explosion a littéralement rasé le solfatare qui habituellement ressemble à une énorme termitière.
Ceux des touristes qui n'ont pas assisté directement à la scène croient à un bang supersonique d'une patrouille de l'OTAN et dressent la tête au ciel pour apercevoir un éventuel chasseur avec ce type de réflexion empreinte de courrou :
"Quel est le connard qui vient troubler cet Eden écologique !"
Ceux qui avaient assisté au vol plané et étaient d'impénitents fumeurs s'empressent d'écraser leur mégots.
Un rigolo qui a hurler " C'est les gaz !" laisse planer un doute sur l'origine de l'explosion. Tout le monde se regarde en chien de faience.

La gazette nationale, trop contente d'avoir un scoop à se mettre sous la dent, donna des nouvelles de l'infortuné.
Quelques brûlures de peau superficielles, des hématomes à la pelle, la tignasse roussie et une envie de fumer
dorénavant que les harengs de la mer du nord.




 

 

 

 

 

 

 

 

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